• Jérôme GLAENTZLIN a publié Hegel (xix° siècle) propédeutique philosophique » «

    HEGEL (XIX° siècle) Propédeutique philosophique »


    « On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me sois ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et ma volonté n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’être non libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur l’homme que le pouvoir qu’il leur accorde.


    SARTRE (XX° siècles) Cahiers pour une morale »


    « Me voilà tuberculeux par exemple. Ici apparaît la malédiction… Cette maladie, qui m’infecte, m’affaiblit, me change, limite brusquement mes possibilités et mes horizons. J’étais acteur ou sportif ; avec mes deux pneumos, je ne puis plus l’être. Ainsi négativement je suis déchargé de toute responsabilité touchant ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter. C’est ce que le langage populaire nomme être diminué. Et ce mot semble recouvrir une image correcte : j’étais un bouquet de possibilités, on ôte quelques fleurs, le bouquet reste dans le vase, diminué, réduit à quelques éléments.


    Mais en réalité il n’en est rien : cette image est mécanique. La situation nouvelle quoique venue du dehors doit être vécue, c’est-à-dire assumée, dans un dépassement. Il est vrai de dire qu’on m’ôte ces possibilités mais il est aussi vrai de dire que j’y renonce ou que je m’y cramponne ou que je ne veux pas voir qu’elles me sont ôtées ou que je me soumets à un régime systématique pour les reconquérir. En un mot ces possibilités sont non pas supprimées mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités.


    Et d’autre part surgissent avec mon état nouveau des possibilités nouvelles : possibilités à l’égard de ma maladie (être un bon ou un mauvais malade), possibilités vis-à-vis de ma condition (gagner tout de même ma vie, etc..), un malade ne possède ni plus ni moins de possibilités, qu’un bien portant ; il a son éventail de possibles comme l’autre et il a à décider sur sa situation, c’est-à-dire à assumer sa condition de malade pour la dépasser (vers la guérison ou vers une vie humaine de malade avec de nouveaux horizons).


    Autrement dit, la maladie est une condition à l’intérieur de laquelle l’homme est de nouveau libre et sans excuses. Il a à prendre la responsabilité de sa maladie. Sa maladie est une excuse pour ne pas réaliser ses possibilités de non-malade mais elle n’en est pas une pour ses possibilités de malade qui sont aussi nombreuses…


    Ainsi suis-je sans repos : toujours transformé, miné, laminé, ruiné du dehors et toujours libre, toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Totalement déterminé et totalement libre. Obligé d’assumer ce déterminisme pour poser au-delà les buts de ma liberté, de faire de ce déterminisme un engagement de plus ».

    A. Mendiri